Elysées 2012

A droite toute (1)

Et revoilà le barbarisme cliver. Tant pis !

Il illustre en tout cas combien la stratégie du président sortant n'a plus rien à voir avec la rupture de 2007, encore moins avec la pseudo-ouverture vers la gauche. A rebours du discours de Grenoble de l'année dernière, Sarkozy cesse de commenter (souvent en boucle) les faits divers et de les tenir pour prétexte d'une nouvelle loi sécuritaire ... mais laisse son nouveau ministre de l'Intérieur occuper ce terrain très droitier.

Partage des rôles, peu subtile division du travail néanmoins :

Gueant en Alsace avec RichertLe 3 Juillet, en déplacement en Alsace, - région il faut s'en souvenir qui, outre ses particularismes historique est restée la seule région gouvernée par la droite - il en a profité pour dessiner ce que seront, selon lui, les thèmes de la campagne à venir.

Le vote de 2012 sera un vote sur les valeurs, un vote de civilisation, parce qu'il engagera notre identité et notre rapport au monde. Il sera le choix de ce que nous voulons que la France soit demain

Formule qui ne mange pas de pain tant elle est vague mais qui, aussitôt précisée, prend une connotation très droitière dès lors qu'il accuse la gauche

d'avoir fait prospérer la culture de l'excuse, d'avoir fait prospérer des générations de déboussolés, incapables pour certains de distinguer le bien du mal ; (...) d'avoir posé les fondements d'une civilisation de l'assistanat

Opération séduction un peu facile en cette terre alsacienne, bien ancrée à droite, mais où fleurit assez fortement l'extrême droite (1)mais opération révélatrice : 2007 avait réussi à reconquérir ce vote protestataire et à laminer le résultat du FN laissant un peu trop rapidement accroire que ce dernier était fini. Cette captation explique la logique sécuritaire depuis quatre ans, le discours de Grenoble (2) de l'an dernier ainsi que les velléités de dénaturalisation (3) qui s'étaient affirmées alors.

Les échecs de cette politique qui, quoiqu'en disent les autorités et les chiffres que parfois l'on tord (4), n'est pas une réussite flagrante, liés à la patente remontée du Front National aidée par la figure apparemment plus amène de Marine Le Pen, montrent que cette captation n'aura guère été durable mais fut plutôt ponctuelle. Et c'est bien tout le problème de Sarkozy candidat de 2012 : son électorat traditionnel est irrité par son peu de prestance, celui d'extrême-droite est reparti vers d'autres cieux avec le sentiment d'avoir été floué.

D'où la nécessité d'accentuer le clivage gauche/droite pour la campagne à venir mais un clivage qu'il ne pourra assumer totalement dans la mesure où il sait qu'il lui faudra bien, au moins entre les deux tours rassembler au delà de son camp. D'où, en attendant, cette division du travail entre Guéant qui assume non sans bravache le courant ultra droitier de l'UMP d'une part, et Copé qui tape sur la gauche, et notamment les 35H, pour sa politique sociale supposée ruiner demain la France.

Homme de l'ombre depuis 2007, Guéant est passé depuis quelques mois sous le feu des projecteurs médiatiques et ne manque pas une occasion d'affirmer son fort ancrage à droite. Il suffit de se souvenir de sa croisade contre la Lybie (5) pour comprendre combien cet homme-là sait caresser les ardeurs patriotiques et les prurits idéologiques de la droite extrême. Manifestement il veut peser sur les thèmes de la future campagne et se charg d'occuper le terrain patriotique et sécuritaire.

D'où ce discours sur les valeurs morales. Et cette référence à la civilisation contrefaisant encore une fois son E.Morin ** , ce qui ne coûte rien à personne. Comme toujours, comme souvent, ces termes-là fonctionnent comme des concepts vides, à extension maximale mais à compréhension nulle. Jamais ces valeurs ne sont définies comme pour mieux souligner la nostalgie d'un passé où elle eussent été l'appui solide d'une grandeur passée, jouant ainsi subtilement à la fois sur le patriotisme, la religion et la lutte contre la décadance. D'où le refus de l'excuse - il y a sept ans on parlait de repentance - qui serait l'icône même d'une politique de l'abandon et de la crise qu'évidemment la gauche chercherait à promouvoir. Toutes les thématiques sont là, reprises en partie du gaullisme mais surtout, bien plus insidieusement, des ligues des années trente. Thématique que l'on retrouve dans ce courant droite populaire (6) qui s'agite en ce moment à l'UMP.

La loi, l'ordre, la sécurité, la morale : tous les ingrédients sont là réunis pour rameuter cette France de droite désorientée un temps par le style de Sarkozy mais qui finira bien par lui revenir si la victoire de la gauche devait se faire plus menaçante encore. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner qu'effectivement, à moins d'un imprévisible retournement de situation qui placerait la gauche dans les choux, le clivage gauche/droite se fera d'autant plus violent que la victoire semblera incertaine. Pour deviner qu'on se jouera à tour de bras sur les peurs et les réactions les plus élémentaires pour faire oublier les années en toc que nous venons de vivre. A ce titre, crise grecque et autre cataclysme environnemental seraient pain béni.

Cette élection se jouera sur la peur, sans aucun doute;


* revoir ce montage

1) voir la thèse de B Schwengler à ce sujet

2) lire à ce sujet cet article sur Mediapart mais aussi sur Libération et celui du Monde suite à la censure de plusieurs articles de la loi Loppsi 2 par le Conseil Constitutionnel

3) ce que nous en écrivions l'an dernier

a) Honte b) Sottise c) Retour en arrière

4) voir notamment la polémique sur l'interprétation par Guéant d'une étude de l'Insee mais aussi celle sur le rapport de la Cour des Comptes

5)


Colère de Guéant contre la Cour de comptes par BFMTV 

 

 


"Croisade"en Libye, Guéant se justifie: "c'est... par LePostfr 

** on se souvient évidemment de l'usage que fit Sarkozy de l'expression politique de civilisation (voir ce que nous en écrivions en 2008)

6 le site de la Droite Populaire

lire notamment sur slate et ces deux articles sur Le Monde

et ceci : issu du blog de L Mucchielli